En tant que journaliste de voyage, je réalise les photos et j’écris les textes et les légendes photos de mes sujets. Il m’arrive parfois de devoir rendre mon article très vite après l’avoir
réalisé. L’avantage, c’est que j’ai encore tout en tête et que cela me permet de passer à autre chose sans accumuler le travail en retard tout en me libérant l’esprit. Mais si « à
chaud » on va plus vite, « à froid » on a plus de recul et l’on sélectionne les photos et écrit autrement. Le temps passe, on se documente mieux, on repense à une info oubliée, à
un angle plus pertinent, le sujet a le temps de murir.
Autre exercice, je commence l’éditing de mes photos d’Islande 2024. Pas de commande, juste des photos accumulées au cours de mes différents voyages en Islande cette année. Les premières remontent
à janvier et les dernières à septembre, nous sommes en décembre. Toute une année au fil des saisons défile. J’ai oublié certaines prises de vue que je redécouvre. Je vois enfin celles dont je me
souviens et desquelles j’espère. Sur le terrain je regarde très peu mes photos, j’ai commencé en argentique et ai gardé cette habitude. Cela me permet d’éditer avec plus de distanciation, détaché
des émotions que suscite parfois la prise de vue. En les redécouvrant, je « refais » les photos. Je pense au résultat que je voulais obtenir sur le terrain, je vérifie si cela a marché
ou non. J’élimine ce qui ne me convient pas.
Après plus de vingt ans de photo en Islande, je cherche les perles rares qui iront peut-être rejoindre la série à laquelle je travaille en ce moment et qui doit aboutir l’an prochain.
Parallèlement, je sélectionne les illustrations qui iront augmenter mon fond à l’agence (hemis.fr) et celles qui viendront vous rendre visite sur les réseaux sociaux.
Grâce à ce détachement, je peux être sans pitié. Je ne recadre jamais (y compris en reportage). Je n’efface pas d’éléments gênants dans les photos (ou très peu), si je ne l’ai pas vue à la prise
de vue, tant pis pour moi. Pour moi, la photo doit-être « finie » à la prise de vue. C’est mon plaisir photographique. Editer 16 000 photos est long et fastidieux, mais c’est avant tout
du plaisir et avec un peu de méthode et de patience, on s’en sort !
Nous sommes en décembre, dehors il fait gris et moi, grâce aux photos accumulées cette année, je continue d’être en Islande, le vert des aurores boréales, le bleu de la glace, le noir de lave
illuminent mon écran et ma journée. Dans les photos de vagues hivernales je cherche le mouvement idéal, dans un portrait l’expression qui me touche, à la station service l’ambiance qui m’a
inspirée lorsque j’ai fais mon cadre. Ce temps long donne un sens au temps court de la prise de vue où tout s’enchaine généralement assez vite, les évènements du quotidien, la météo, le travail,
etc… Là, j’ai l’esprit libre, je coupe avec l’extérieur. Parfois, un peu de musique m’accompagne, c’est comme une méditation.
En pratique, je fais une première passe avec une couleur, le rouge (premier choix). Sur 2000 photos, restent 100 ou 200 photos. Sur ces 100 ou 200 je mets une couleur jaune (second choix). Je
fais une troisième passe en passant certaines en rouge, en rétrogradant d’autres en jaune. Je refais le tour du jaune, du rouge et du sans couleur. À partir de là je fais de premiers essais
rapides de post-prod pour voir « ce que cela donne ». Enfin je fais, un choix (rouge). Il reste une poignée de photos exploitables toutes catégories confondues (illustration, reportage,
travail au long cours…). Je passe à la post-prod (très rapide), indexation et sauvegarde. Si deux images sont trop proches l’une de l’autre, je considère qu’une des deux doit disparaître. Si
l’hésitation dure trop souvent c’est qu’aucune ne vaut vraiment la peine.
Parfois, avec le temps, les demandes, les recherches que l’on fait, on est amené à retourner dans d’anciens dossiers archivés. En appliquant cette méthode, je me rends compte qu’il est rare
qu’une image soit passée à travers les mailles du filet. Serrées, les mailles !